«L’Entreprise et Moi »

 

« L’Architecte »

 

Dans ces pages , seront relatées sans soucis de respect d’une quelconque chronologie , des situations vécues ensemble , mes jeunes ma femme et moi au sein de cette entreprise « ELECTRIC-SERVICES » dont la durée de vie fut de 10 ans , de 1980 à 1990 . Celle ci fut vécue en 1990 , juste avant mon accident .

 

Une nouvelle grande surface s’ouvrait à ISTRES , elle allait se nommer L’UNIVERS . Derrière cette implantation , un Homme . Monsieur Christian FABRE , propriétaire ou gérant de 7 petits super marchés de la région , dont j’avais justement l’entretien . Monsieur FABRE m’a confié un jour où j’allais encaisser mes récompenses , que si ce n’étais pas lui qui le faisait , c’était un autre et que dans les deux cas ses magasins plus modestes allaient en prendre un coup .

Chacun sa philosophie d’approche de l’engrenage nommé ambition , ou avidité , qui le sait ?

Je referme la parenthèse car tel n’est pas le but de mon propos .

Bien implanté sur ISTRES comme Electricien , et apprécié à cette époque , de Monsieur FABRE , j’ai même fait l’objet de sollicitations afin de pistonner certains commerçants auprès de celui-ci pour obtenir un local dans la galerie du futur hyper marché .

De mon côté il me fut confié de la part d’anciens clients ou de nouveaux , 4 boutiques à équiper , dont la croissanterie de Odile FABRE , la sœur de Monsieur FABRE . Cela me faisait en quelque sorte 5 chantiers à réaliser dans le même délai car la croissanterie comportait : la partie salon de thé et le laboratoire de fabrication , bien indépendants et de taille importante .

Dans une des boutiques , PAPRIKA , un magasin de fringues tenu par un Arménien , la gestion du chantier était assurée par un architecte d’AIX en PROVENCE . Un blondinet à la « Craftouse » et au costume 3 pièces et attaché-case en crocodile plaqué or . J’AAAdore ce modèle là !!!!!!!!! D’architecte , ne confondons pas . Un jour , il m’interpelle et me dit :

 

      «  S’il vous plait , je peux vous voir un instant ? »

        Je suis à vous , je vous écoute , lui répondis-je .

« Je vous vois aller et venir dans la galerie , vous avez d’autres chantiers ? » Oui ! j’en ai 4 en tout , dont un qui en fait deux . Il me répond

 

«  Monsieur ! vous êtes un malhonnête , vous travaillez avec des petits jeunes , vous ne savez pas qu’il y a des délais à respecter , avec un tel personnel vous allez retarder tout le monde »

 

Non de DIEU ! Me dire ça à moi , avec ce ton condescendant et méprisant envers mes jeunes . Calmement , ce fut difficile , je lui ai répondu : «  Monsieur , je vous conseille de garder pour vous , vos réflexions témoins de votre ignorance , et je vous donne rendez-vous sur la ligne d’arrivée » Je l’ai planté là sans autre forme de procès . Je suis allé instantanément voir mes jeunes , je les ai réunis , deux apprentis et Didier mon ouvrier . Je leur ai raconté ceci : «  Vous savez ce qu ‘il vient de dire le blondinet à la mallette en crocodile ? il m’a dit qu‘en travaillant avec des petits jeunes , j’allais retarder tout le monde . Si je vous dis , à 18h on rentre manger , je fais faire des badges pour travailler cette nuit , et à 19h30 , on revient pour terminer le magasin PAPRIKA . Que me répondez-vous ? » A l’unanimité ils ont répondu :

 

« Il va voir le blondinet , les petits jeunes de quoi ils sont capables » .

A 2h du matin , nous avions terminé la partie magasin sauf la réserve , tout était en place , le plafond terminé , les vasques en staff qui ceinturaient les corniches débordaient de lumière , les spots à iodure métallique des vitrines éclaboussaient le marbre de l’allée centrale montrant ainsi que le ponçage n’était pas terminé .

Le lendemain matin , nous avons tendu le piège à « Architecte Complexé » , pardon du pléonasme . Le blondinet avait pour habitude de venir surveiller son chantier Vers les 9h30 ; dès 9h15 l’affût était en place . Nous l’avons vu arriver depuis le bout de la galerie , dodelinant , avec sa petite mallette à bout de bras . Tel un BRAQUE qui marque l’arrêt devant une poule faisane , il est resté pétrifié . Depuis le début de la galerie on ne voyait que ça . Le seul magasin terminé qui , à lui seul éclairait la moitié de l’allée  .

Nous l’attendions tous les 4 de pied ferme , les bras croisés , un rien goguenards et un rien moqueurs . Il avait beau traîner les pieds , il lui fallu passer à la casserole . J’ai pris la parole : D’un geste large et protecteur j’ai enveloppé mes assistants et collaborateurs et j’ai dit à l’impudent imprudent  : «  Alors Monsieur , que pensez-vous de ces petits jeunes , ne conviendrait il pas de leur présenter des excuses ? » , bon prince , pour écourter son embarras , j’ai ajouté : «  Au fait , nous n’avons pas pu terminer la réserve car la climatisation n’est pas posée , ce n’est pas à ce que je sache une entreprise de petits jeunes , une grosse entreprise de plus de 20 professionnels n’est ce pas ? , Alors faites votre travail Monsieur l’Architecte , et à l’avenir gardez vos réflexions oiseuses pour la récréation , avec les enfants de votre âge » . La leçon à été comprise , mais le pauvre a eu à mon encontre une nouvelle initiative malheureuse où , à nouveau j’ai été contraint de le ridiculiser , et cette fois-ci devant le client . Il a du se souvenir longtemps de ce chantier . Je ne l’ai pas oublié non plus . Ce qu’il ne savait pas ; c’est que mes petits jeunes étaient motivés , et ce de différentes manières ; je n’ai jamais demandé quoi que ce soit que je ne puisse réaliser moi-même , je n’ai jamais refusé une demande d’absence , même si cette absence me compliquait les choses . Je n’ai jamais demandé de motif , j’ai toujours justifié la remontrance et expliqué comment éviter pour que l’erreur ne se reproduise pas .

J’ai toujours été très exigeant sur la qualité du travail , sur la tenue et le comportement , c’est une question de fierté et de respect , avant tout de soi-même . Je n’ai jamais retenu à des taches inutiles qui que ce soit sous prétexte que le nombre d’heures n’était pas atteint .

Et enfin mes apprentis étaient sans doute les mieux payés de la région car ils amenaient leurs feuilles de paye au CFA pour faire marronner les copains .

 

Alors oui , j’ai enfreint la loi sur les heures et dans d’autres domaines dont je m’épancherai le moment venu . Ce qui est sûr , et c’est ce qui compte à mes yeux , c’est que seule l’ambiance dans laquelle nous avons vécu à pu permettre ces résultats , que la plus-part d’entre-eux sont devenus de vrais professionnels , qu’ils ont tous trouvé facilement du travail , et que lorsque j’ai décidé de rendre mon tablier à la chambre des métiers qui m’a décerné en 1990 , à titre posthume comme je l’ai ironiquement souligné le titre de maître-artisan en son métier ; ils ont tous trois trouvé du travail dans la semaine . Il leur a suffi seulement de faire savoir qu’ils venaient de chez moi . Mes clients me disaient souvent , « Mais d’où vous les sortez ces jeunes , c’est un plaisir de les voir à l’œuvre » . Ma récompense , je l’ai vécue durant ces dix ans , avec eux . Sans eux je n’aurais jamais fait ni obtenu pareil résultat . On ne m’a pas trié l’élite de la jeunesse Française ; ce que je sais sans aucun doute c’est qu’aujourd’hui ils font certainement partie d’une élite , et de savoir cela me suffit .