Que
venais je de faire ? Alors que nous finissions de casser la croûte ,
alerté par le bruit de la tronçonneuse , le propriétaire du talus et des bûches
de cerisier guidé par les décibels , a débarqué dans le hayon arrière du
fourgon pour faire son inquisitoire prospection . Et montrant du doigt à sa
femme la bûche de cerisier , il s’est esclaffé :
« Tiens , je te l’avais bien dit , il est là le cerisier » .
Fait comme
un rat le LEONARD .
Comme
je ne suis pas homme à fuir mes responsabilités , j’ai immédiatement reconnu
mon indélicatesse , mon larcin , ou le vol , j’accepte tous les adjectifs .
J’ai demandé à ce Monsieur qu‘il me présente le montant du préjudice commis ou
le prix du bois s’il acceptait de me le vendre , ou les deux , car je
souhaitais lui présenter des excuses sonnantes et trébuchantes . Pris au
dépourvu par autant d’humilité , il nous demanda de remettre le bois à sa place
et vu que je le lui rendais il ne voyait pas quoi me demander de plus .
Nous
lui avons confirmé que dès que nous aurions terminé de faire le bois nous lui
rapporterions le sien .
Il
est reparti , alors que nous commentions entre nous , cette scabreuse affaire ,
notre propriétaire de cerisier abandonné , est revenu à la charge . Cette fois
il était accompagné d’un type plus jeune , corpulent dont la toison
harmonieusement bouclée déferlait en vagues multiples sur ses larges épaules .
Le
propriétaire du cerisier lui , était armé d’une hachette bien affûtée .
Entre
les deux passages , il avait passé en revue chaque recoin où se trouvait du
bois coupé , et effectivement , nous avions ramassé sur la route , présentant
un risque pour la circulation
Une
tombée d’abattage qui avait roulé du haut de la colline .
Il
a aussi revendiqué la propriété de cette chute et a aussi demandé sa restitution
, comme pour le cerisier , bien que rien ne prouvait la véracité des ses propos
, j’ai confirmé que nous allions aussi le remettre où il était .
Mon
manque d’agressivité ne lui était pas familier , en effet j’ai appris par la suite
, que de son côté était par contre un familier de la querelle . Ma passivité ,
je le voyais , l’exaspérait ; il aurait certainement aimer davantage de
répondant afin sans doute de pouvoir croiser le fer , La hachette , puisqu’il
en était armé . Le ton de ses provocations verbales allaient croissant , il
prétendait ne pas en rester là et a relever le N° du fourgon à toutes fins
utiles .
Seulement
, il était embarrassé car la plaque minéralogique , était une plaque de
l’administration : dans le cas présent , celui de la Préfecture de DIJON .
Nous avions 1 mois pour changer la carte grise , puisque nous avions acheté ce
fourgon dans une vente des domaines à DIJON . De le voir tourner autour de moi
avec ses mots provocateurs , ça a commencé par m’échauffer les oreilles .
Normalement , l’incident devait être clos vu que je lui restituais son bien .
Il en rajoutait , ça m’a copieusement agacé .
Je
suis sorti de mon mutisme et lui ai dit : « Dites monsieur , vous
qui voulez tout savoir de moi , vous me donnez envie de mieux vous connaître .
Puis je savoir votre nom ? Il se pourrait que moi aussi j’ai des choses à
dire » .
Il
a bredouillé et refusé de me donner son nom ; à la place , il m’a demandé
le mien : C’est avec déférence que je lui ai décliné mon pedigree . Il
allait et venait entre Jackie et moi , à Jackie , il a dit :
« Votre chef là , il ne
me plait pas du tout , qui c’est ce type » ? .
Le
chevelu est reparti . Monsieur CERISIER est resté jusqu’à ce que nous ayons
fini de charger nos bûches pourries ; nous lui avons proposé de le
redescendre au bas de chez lui comme ça il pourrait s’assurer que nous
remettions bien le bois à sa place . Il est grimpé dans le fourgon , si j’avais
été au volant , je l’aurais ramené à ISTRES pour lui payer le café .Ce sera
pour une prochaine fois . Chez le pépé EMILE , pour des raisons d’accès , je ne
suis pas descendu du fourgon .
Toute
la famille était déjà au courant de notre forfaiture , mais le pépé EMILE nous
a rassurés en nous disant que c’était un habitué des histoires , que c’était sa
raison d’être . J’en ai conclu qu’une fois de plus , je n’avais pas chapardé ce
bois par hasard , ma démarche n’avait pas d’autre but que de me permettre de le
découvrir .
L’un
de mes rôles dans cette pièce de théâtre étant précisément de faire mordre un
jour ou l’autre la poussière à ceux qui l’ont fait gratuitement mordre à autrui
, en abusant de leur position ou de la faiblesse . Jusqu’à présent , cet homme
était un anonyme parmi les anonymes . A partir de maintenant , je vais faire de
lui un homme célèbre .
Il
a vécu heureux en concubinage , caché en compagnie de sa bêtise , tout cela est
terminé . Dès que le bouche à oreilles d’Internet aura fait son œuvre , il
n’aura plus qu’à devenir conférencier tant il sera sollicité . Sa vie sera
bouleversée , partout ceux avec qui il s’est mal comporté et qui l’ont subi ,
viendront se rappeler à son bon souvenir . A titre d’information , ce Monsieur
se nomme LARGUIER Martin les Ponchets , St Cécile D’Andorge . Son puissant
accompagnateur chevelu , ayant une forte ressemblance avec Pierre PERET n’est
rien d’autre que l’ancien Maire de St Cécile d’Andorge . Voilà ! Vous
savez tout sur les ZIS-ZIS, les longs , le courts , le gros , le lourd , le
profiteur , l’indélicat et enfin le godemiché en cerisier .
Nous
avons bu un excellent café préparé par madame EMILE , qui malgré son
meilleur ami PARKINSON , a tenu à venir au fourgon , soutenue par
sa fille et son gendre . Nous avons embarqué une cinquantaine de fromages de
chèvre , des bouts de cerisier offerts cette fois de bon cœur ; pour cela
, il faut en avoir un .
Le
retour s’est bien passé , Benjamin était satisfait de sa journée , la position
centrale sur la banquette fut fatigante . Au bois il a fait plus que sa part ,
il fallait le voir , aller toujours plus loin chercher du pin moins pourri .
Le
soir , au moment de nous remettre à table , j’ai à nouveau reposé la fatidique
question du départ . Ce n’est pas que je souhaitais le voir partir , non :
Au contraire , seulement , il fallait que je sache à quoi m’en tenir . Benjamin
m’a répondu que s’il y avait encore du travail , il pouvait rester quelques
jours de plus . Je n’ai pas laissé passer l’occasion de voir se prolonger cette
chaleureuse et efficace relation . Je lui ai donc proposé : « Benjamin
, vous m’avez dit que les EMMAÜS vous donnaient 46 € par semaine de travail ,
en plus du gîte et du couvert .
Si
vous voulez , vous restez la semaine , je vous donne 100€ , plus 50€ pour payer
votre billet de bateau pour la Corse puisque vous souhaitez vous y rendre .
Accord
conclu , nous avons passé une belle soirée de discussion , comme toutes celles
qui suivirent . Je lui ai dressé un programme de choses à faire , je lui ai
montré où se trouvait les boissons , les bières en particulier , qui , il faut
bien le reconnaître , avaient sa préférence .
Chaque
fois qu’il remontait , il me dressait un rapport de ce qu’il avait fait ou
voulait faire , il en faisait plus et prenait des initiatives , toujours
heureuses .
Au
cours d’un repas de midi , il me dit : « Ce serait bien pour vous
qu’il y ait quelqu’un pour faire tout ce travail , moi je vais devoir partir ,
le voyage , c’est le voyage , il m’appelle très fort » . A aucun moment je
n’ai tenté de l’influencer dans sa décision . Juste une petite tentation , on
verra plus tard laquelle .
En
poursuivant son idée , il me dit : « Aux EMMAÜS de Montpellier ,
j’ai rencontré un Espagnol qui serait peut être intéressé car la bas ils lui
ont donné le balai et il aimerait faire comme les autres , le camion » . (
Aller récupérer ou livrer )
Si
vous voulez , je téléphone là-bas pour demander s’il est encore là et si ça
l’intéresse . Il a une voiture , il a vécu en Amérique et en Angleterre , un
inconvénient , il parle à peine le Français . J’ai dit banco , le lendemain ,
il débarquait . Il se nommait FRANCESCO , parlait effectivement très mal le
Français , mais là n’était pas l’important . Benjamin m’a avoué par la suite
avoir compris pourquoi aux EMMAÜS il ne faisait que le balais .
Il
n’était vraiment pas doué pour grand chose parce-que fainéant .